Après la COP 27 consacrée au changement climatique, la COP 15 sur la biodiversité s’ouvre aujourd’hui au Canada. Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, y voit “une chance d’arrêter cette orgie de destruction “ mais sa voix ne couvre pas celle des commentateurs et supporters sportifs de la Coupe du monde au Qatar qui célèbre la diversité de la planète foot. Avec ces COP qui nous alertent (depuis maintenant des décennies ou presque ) sur l’état de la planète, la schizophrénie de notre société apparaît de plus en plus criante et insupportable. Entre les COP et les coupes du monde sportives en tous genres qui sont souvent dans la démesure, et en attendant les JO de Paris en 2024, l’esprit vacille et s’égare, déboussolé par de telles incohérences. L’exigence de sobriété apparaît bien comme une injonction paradoxale ; dans le cadre d’une économie qui ne jure que par la croissance, elle est de fait réservée à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de dépenser plus. En France, la sobriété est surtout réclamée par le gouvernement à cause des déboires de la filière nucléaire afin d’éviter une trop grande consommation d’énergie pendant les rigueurs de l’hiver. Cette sobriété ne correspond pas à un changement de paradigme mais à un simple effort passager, c’est une parenthèse dans un univers consumériste qui doit rester libre et sans limite.
Alors qu’il conviendrait d'économiser durablement et dans d’autres proportions l’énergie, la prétendue transition écologique avec le passage à une économie décarbonée organise le maintien de notre mode de vie actuel pourtant incompatible avec le respect de nos engagements pour lutter contre le changement climatique et l’érosion dramatique de la biodiversité. Car même décarbonée, l’énergie est polluante, synonyme d’extractions de terres rares, de pollutions chimiques diverses et notamment de rejets d’éléments toxiques dans les nappes phréatiques, de destruction d’espaces naturels, etc.
Cette semaine, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables arrive devant le Parlement. D’après le gouvernement, il doit permettre de favoriser “ le déploiement des énergies renouvelables tout en garantissant la protection de la biodiversité et en minimisant l’artificialisation des sols “. Comme d’habitude, avec la communication gouvernementale, il convient d’en prendre l’exact contre-pied pour en saisir la portée et les conséquences réelles : il y a tout lieu de penser que cette loi affaiblira encore davantage la biodiversité tout en accentuant l’artificialisation des sols. Il suffit en effet de parcourir nos campagnes pour constater que la production d’ENR ( énergies renouvelables), sous mode capitaliste et donc confiées à des entreprises privées, provient de l’exploitation de vastes champs d’éoliennes ou de panneaux solaires. La loi prévoit même d’encourager une nouvelle agriculture high-tech, “l’agrivoltaïsme”, qui consiste à combiner productions agricoles et production électrique en recouvrant des champs (consacrés à l’élevage ou à la culture) de panneaux solaires. Le Président - qui est allé récemment discuter de “futurs projets industriels verts” avec Elon Musk ! - y voit un « potentiel important de complément de revenu pour nos agriculteurs »(Lire ici)
Plus globalement, confier la production d’énergie (quelle qu’en soit la nature) au privé aboutit inévitablement à organiser cette production sous contrainte de rentabilité à court terme avec pour corollaire des phénomènes de concentration voire de gigantisme et d’optimisation des coûts qui vont à l’encontre du respect des usagers et de l’environnement. Les ENR seront avant tout au service du capital, cela fait partie de l’ADN de ce projet de loi pour employer une expression très prisée des communicants aux chaussures pointues, et c’est son vice originel et rédhibitoire L’accélération de la production d'énergies renouvelables a pour objectif principal de nous maintenir dans la voie du toujours plus pour le plus grand profit de quelques industriels, l’éternelle fuite en avant !
La protection de la biodiversité ne peut y trouver son compte.